« Aujourd’hui ton violeur, demain ton docteur”. Voici les mots qui lancent l’affaire de Nicolas W. En 2022, le collectif “Action Féministe 37”, dévoile au grand public les agissements d’un étudiant en médecine de l’Université de Tours au travers d’une série de collages sur la facade de la faculté concernée. Cet article est une chronique retraçant le parcours judiciaire de l’accusé.

Une affaire révélée au grand public

Pour écrire cet article, nous nous sommes appuyés sur une compilation d’écrits publiée dans La Nouvelle République, de 2022 à maintenant. C’est le 16 avril 2022 que sont révélés publiquement des faits, dont la plupart remontent à 2013, d’agressions sexuelles et de viols commis par Nicolas W sur plusieurs de ses camarades au cours de sa scolarité et jusqu’à ses études dans le supérieur. Bien que les plaignantes désirent que l’affaire ne s’ébruite pas, le scandale éclate après ces collages. Ce qui entraînent une série de réactions de la part de la faculté de médecine. Une plainte est déposée par le doyen, Patrice Diot, à l’encontre du collectif pour “diffamation, intrusion et dégradation des locaux”. L’étudiant concerné quant à lui est envoyé à Limoges pour continuer ses études. 

Face au laxisme apparent de la Faculté de Tours, le ministère de la santé, conjointement au ministère de l’enseignement supérieur, saisit l’Inspection générale de l’Education, du Sport et de la Recherche. Cette saisie questionne l’absence de procédures disciplinaires à l’encontre de l’accusé. Ce dernier, parvient parallèlement à valider un stage… en gynécologie et ce en étant mis en examen. 

La tourmente de la Faculté de Tours continue. La tension monte après un message du doyen semblant minimiser les actes en cause. Ayant obtenu le soutien de certains membres de l’équipe pédagogique, les étudiant parlent d’un “conflit générationnel”. Dans le même temps, une pétition circule entre les élèves afin de renvoyer l’étudiant. 

Des procès et des décisions controversées

Le 13 décembre 2023, le tribunal pour enfants prononce le sort de Nicolas W. Il est condamné pour le premier dossier à 4 mois de prison avec sursis en reconnaissant les faits reprochés. Ces faits incluent des “baisers arrachés” alors que lui et sa victime étaient lycéens. Mais son parcours judiciaire ne s’arrête pas là. Le 24 février 2024 a lieu son second procès au tribunal correctionnel de Tours, cette fois-ci pour des faits d’agressions sexuelles commis entre 2018 et 2020 lors de soirées festives alcoolisées entre amis. L’accusé n’a passé qu’un mois et demi en détention puis est remis en liberté sous contrôle judiciaire afin de poursuivre ses études à l’université de Limoges. Certaines des plaignantes, trois femmes actuellement âgées de 26 à 29 ans, ex-camarades de promotion de l’accusé, affirment être inertes lors des agressions susmentionnées. 

Un mode opératoire répétitif

Au cours du jugement, l’accusation de viol a été correctionnalisée en délit afin de faire progresser le verdict plus rapidement. Dans le vocabulaire judiciaire, on entend par correctionnaliser le fait de réduire un crime en délit devant le tribunal. Cette décision est recommandée par l’avocat de deux des plaignantes, Me. Marc Morin, afin de faire aboutir la condamnation. Cette résolution est assez fréquente dans ce genre d’affaires. Durant le jugement, se dessine un mode opératoire de l’agresseur assez similaire sur chaque plaignantes. 

Lors du procès, Nicolas W. change de stratégie et assume les faits qui lui sont reprochés. Il fait figure de “repentance”. Il se dépeint comme un enfant en recherche de confiance. Pour lui, les effets de l’alcool lui permettent de soulever une barrière avec les femmes et de mal-interpréter des “signaux”. 

Un témoignage douloureux

L’une de ces femmes, Justine, a tenté de décrire cet épisode particulièrement douloureux. Dans la même promo que Nicolas W., elle passe une soirée arrosée en sa compagnie avec plusieurs étudiants. Au petit matin, elle se réveille complètement nue, l’accusé au-dessus d’elle, en train de la pénétrer. Le viol commence alors qu’elle est inconsciente. Réveillée par l’action qui se produit, elle reste tétanisée. Ce fait de viol est celui requalifié en agression sexuelle lors du procès. 

Nicolas W. tente de n’avoir que du sursis afin de ne pas entacher sa future carrière de radiologue. À la barre, son avocat Me Alain Jakubowicz conclut sa plaidoirie avec une paraphrase de Badinter dirigée vers le tribunal : “On ne doit jamais retirer à un être vivant la possibilité de devenir meilleur”.

4 années dont 3 années assorties d’un sursis simple sont requises au début du procès. Cette peine se transforme en 5 ans de prison avec sursis lors du délibéré du 19 mars 2024. 

Le coupable est donc condamné mais laissé libre. Le parquet de Tours fait appel suite à cette condamnation. Une décision confirmée par la procureur de la République, Catherine Sorita-Minard, le 26 mars 2024. 

L’indignation s’étend à Limoges puis à Toulouse

Malgré sa condamnation par le tribunal, l’étudiant est autorisé à continuer son stage. Cela provoque le mécontentement des étudiants de la Faculté de Limoges. Ils affichent à l’entrée de leur bâtiment une banderole reprenant le slogan « Aujourd’hui ton violeur, demain ton docteur ! »

Dans le même mois, la présidente de la Faculté de Limoges publie un communiqué pour réagir à l’indignation d’une partie des étudiants face à la réintégration de l’agresseur dans un contexte où le #MetooHospital voit la parole se libérer dans le milieu hospitalier. Dans son communiqué, la  présidente informe avoir saisi la section disciplinaire de l’université pour statuer sur le cas de l’étudiant. Peu après, une pétition lancée par les étudiants et le collectif Emma Auclert1 (association de soignant.es féministes) rassemble 25 000 signatures pour dénoncer la réintégration de l’étudiant qui attend son procès en appel. S’ensuit, à la mi-mai, un appel à manifester alors que l’agresseur s’apprête à passer un concours pour devenir interne. C’est ainsi qu’une vingtaine d’associations appellent à une grève générale du personnel hospitalo-universitaire.

Plus tard, la commission de discipline est saisie par la présidence de la fac de Limoges mais il s’agit d’une course contre la montre car l’étudiant peut être transféré dans une autre faculté, après ses examens, avant qu’aucune sanction ne lui soient infligée. Finalement, la décision disciplinaire n’aboutit pas et Nicolas W. intègre le CHU de Toulouse, provoquant une nouvelle vague d’indignations.

Une affaire toujours en suspens

De son côté, l’administration du CHU de Toulouse semble rejeter tout projet de congédier l’étudiant. Elle « rassure » en disant adapter l’encadrement de l’étudiant, notamment vis-à-vis des stages qu’il est amené à effectuer. Quelques jours après, son affectation est finalement suspendue par l’Agence régionale de santé d’Occitanie alors qu’au même moment une manifestation devant la fac de médecine de Tours avait lieu pour protester contre ce transfert.

A ce jour, l’affaire n’est pas terminée, Nicolas W. a été jugé en appel ce 3 décembre 2024 devant la cour d’appel d’Orléans. Le délibéré aura lieu le 14 janvier 2025, il risque 3 ans de prison de ferme.

Le cas de Nicolas W. et aussi morbide que bien documenté, notamment par la presse en ligne qui a permis de résumer cette affaire. Elle est symptomatique de l’omerta qui règne dans les universités de médecine et du silence de l’Ordre des médecins face à ce genre de cas qui n’est malheureusement pas isolé. Il est facile de constater la protection et le laxisme dont a pu bénéficier le jeune homme de la part des institutions universitaires durant ses études. Un autre point, plus positif cette fois, à souligner, est le réel impact des mobilisations étudiantes et des collectifs qui ont permis de médiatiser l’affaire, de compliquer la réinsertion du coupable et de pointer toutes les failles inhérentes aux institutions universitaires et médicales sur la gestion de ce type d’affaires.  

  1. Compte X de l’association Emma Auclert entièrement dédié à l’affaire Nicolas W. https://x.com/EAuclert ↩︎

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