L’art plumassier, un métier qui a toujours fait partie des sociétés humaines. Une discipline, mise à l’honneur dans l’exposition « Haute Voltige » au Musée des Arts Précieux Paul Dupuy à Toulouse. C’est aussi un métier atypique et exercé par quelques rares personnes en France. Nous avons rencontré l’une d’elle. Valérie Tanfin est plumassière à Léguevin près de Toulouse.
La plumasserie est une pratique très ancienne. Les amérindiens utilisaient les plumes pour se fabriquer des parures, des ornements ou toutes sortes de couvre-chefs afin de se distinguer socialement. La plume possédait de forts symboles notamment durant les cérémonies ou les rituels. Par exemple, la plume d’aigle signifiait honneur et courage. En Occident, les plus aisés portaient des chapeaux décorés de plumes. Ce fût seulement au XVe siècle que les chapeliers utilisant des plumes prirent le nom de plumassier. Au XIXe siècle, l’activité prit un statut commercial et industriel. Il existait des élevages d’oiseaux d’espèces variées, notamment en Afrique, afin de répondre à la forte demande européenne. Malheureusement, cette discipline engendra la chasse intensive de certains oiseaux pour leurs belles plumes. L’industrie de la plume fût à son apogée vers 1890, puis déclina peu à peu. À l’époque, Paris comptait 800 maisons et jusqu’à 7000 employés avant une chute drastique. Pour faire perdurer ce métier, il a été primordial d’adapter les techniques de travail et les moyens de se procurer les matières premières.
Un métier ancestral ancré dans le moderne
De nos jours, ce métier requérant grande finesse et virtuosité, il est plutôt pratiqué dans le milieu de la haute-couture ainsi que dans l’art. C’est notamment l’usage qu’en fait Maxime Leroy, directeur artistique de l’atelier de plumasserie du Moulin Rouge, fondateur de l’atelier M.Marceau en 2013 et co-fondateur de la maison Sacco Baret avec les designers Paul Baret et Jayma Sacco. Certaines des œuvres et créations de Maxime Leroy ont d’ailleurs été exposées à Toulouse. On put y admirer sa célèbre moto ornée de plumes, son bouquet de mimosa en trompe-l’œil, des paires de talons aiguilles ou d’autres œuvres porteuses de messages forts. C’est également le cas de Valérie Tanfin, artisane d’art qui fut plumassière à la Maison Février en réalisant notamment des costumes pour le Moulin Rouge et d’autres cabarets. De l’accessoire de mode à l’œuvre d’art, en passant par la décoration d’intérieur, Valérie Tanfin est animée par la technicité du geste et l’infinité des possibles et ne s’impose aucune limite. Elle aime notamment pouvoir « créer des pièces qui suscitent l’étonnement ». Depuis 2015, elle possède son propre atelier où elle exerce son activité d’indépendante. En totale autonomie, Valérie Tanfin puise son « inspiration de son expérience du monde de la haute-couture et du spectacle » dans un objectif de raffinement dont les limites sont sans cesse repoussées.
Les défis contemporains d’un savoir-faire oublié
La plumassière essaie de démocratiser le savoir-faire en proposant des ateliers de découverte au Musée des Arts Précieux, par exemple par des « initiations à la plumasserie » où il est possible d’y apprendre quelques bases du métier et de repartir avec sa propre broche florale. Principalement formée à l’art plumassier au lycée Octave Feuillet à Paris, le seul établissement de France proposant le CAP Plumasserie, elle y a appris les techniques de travail de ce matériau que l’on peut qualifier de précieux. Valérie Tanfin nous explique que la dimension ancestrale est importante pour elle dans le geste utilisé. « Il est primordial de sauvegarder le bon geste, sans pour autant fermer la porte à des évolutions en fonction des projets ». Elle cherche à moderniser la pratique de la plumasserie et cela s’exprime dans ses diverses créations. Par exemple, elle utilise des techniques habituellement réservées au cabaret pour créer des œuvres d’art murales. Un des plus grands défis selon elle est de « faire comprendre au public et au client que le métier de plumassier est un savoir-faire du temps long, qu’une pièce nécessite de nombreuses étapes et énormément de travail ». Son métier nécessite une grande rigueur du geste et un grand respect de la matière qui ne peuvent s’accommoder de toute précipitation. La dimension éthique est également très importante, car la matière première est d’origine animale. En effet, Valérie Tanfin se doit de respecter la convention de Washington ou CITES, en vigueur depuis le 1er juillet 1975. La CITES réglemente le commerce international des animaux et des plantes inscrits dans ses annexes afin que leur utilisation soit durable et ne nuise pas à la conservation de la biodiversité. Ainsi, Valérie se fournit en plumes d’oiseaux d’élevage ou tombées durant les mues. Elle porte également une attention toute particulière à l’hygiène et applique systématiquement un traitement vétérinaire des plumes qu’elle utilise. L’ensemble de ces éléments explique que Valérie produit un travail d’une qualité luxueuse.
Clothilde Sevestre